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Blue Wave, Le diesel-électrique : pas de quoi avoir peur !

Le patron-pêcheur breton Jean-Baptiste Goulard a fait preuve d'audace en confiant à un chantier naval marocain la construction d'un nouveau chalutier diesel-électrique. Le navire devrait commencer ses campagnes de pêche ce mois-ci et tout porte à croire que Blue Wave répond aux attentes de l’armateur et de l’architecte.

Il a fallu attendre un peu, principalement en raison de la pandémie de Covid, qui a retardé la construction jusqu'à la mise en service de Blue Wave, fin août, au chantier naval Souss Massa d'Agadir. Le nouveau chalutier est arrivé à son port d'attache au Guilvinec le 29 août et a déjà donné des résultats positifs en termes de consommation de carburant pendant son voyage. « D'Agadir au Guilvinec, nous avons navigué à une moyenne de 9,5 nœuds pour une consommation de 80 litres/heure, avec une cale vide. Cela représente une économie de plus de 20% par rapport à ce que je fais habituellement avec un chalutier conventionnel comme le Pax Vobis », a-t-il déclaré. Jean-Baptiste Goulard exploite plusieurs navires de pêche. L’Harmonie ayant été sorti de flotte il y a trois ans, sa licence a été transférée au nouveau Blue Wave. Il explique que l'objectif n'est pas de pêcher plus, mais de pêcher mieux - et il a investi près de 2,5 millions d'euros dans ce projet pour consommer moins de carburant tout en débarquant un produit de meilleure qualité. Un autre objectif est de donner une meilleure image de la pêche en montrant que les pêcheurs de sa génération sont soucieux de faire évoluer le métier, de réduire les impacts sur l’environnent.

« Je suis également agréablement surpris par le confort du bateau avec ce système de propulsion. Il y a beaucoup moins de bruits et on ressent à peine les vibrations, indique l’armateur, précisant que les groupes électrogènes sont bien plus silencieux qu'un diesel de propulsion classique et que le moteur électrique est totalement silencieux.  « Le navire a aussi montré une excellente tenue à la mer. C’est de bon augure pour l’hiver et par gros temps. » La conception de Blue Wave a fait l'objet de nombreuses réflexions, en collaboration avec l'architecte naval Cabinet SDA et Barillec Marine, qui a conçu et fourni le système de propulsion électrique à entraînement direct. « Il ne faut pas avoir peur de ce genre de technologie, explique-t-il, car les interfaces développées par Barillec Marine pour la commande des machines simplifient l’expérience utilisateur. »

Blue Wave, d’une longueur hors tout de 22 mètres et une largeur de 6,95 mètres, est équipé sur un schéma classique avec une paire de chaluts Naberan de 28 mètres avec des culs de chalut T90. L'équipement de pont est fourni par Bopp, avec une paire de treuils de pêche, trois enrouleurs et deux caliornes, plus deux pompes hydrauliques à entrainement électrique. Les équipements électroniques de la timonerie sont principalement des systèmes Furuno avec des traceurs MaxSea et des capteurs de chalut Marport. Protection Incendie Cornouaille a fourni les systèmes de sécurité incendie. Les systèmes d'alarme et de mesure de niveau, le système homme-mort Lynx V2 ou encore la surveillance des feux de navigation sont des équipements Marinelec Technologies.

L’équipage travaille par rotations, quatre marins en mer et deux à terre et effectue des marées de 12 jours pour pêcher la lotte, principalement à l’Ouest des Côtes Bretonne et un peu en mer d’Irlande. Les locaux vie et le pont de travail ont été aménagés avec soin pour rendre les conditions à bord les plus confortables possibles.
La cale conteneurisée tout inox a une capacité de 70 m3, ce qui permet de stocker environ 15 tonnes par voyage, y compris un espace pour la mise en caisse de la production de fin de marée, mise en vente à la côtière pour une meilleure valorisation. Cela peut représenter entre 1000 et 1500 kg par voyage.

Construit au Maroc

Si la construction s'est faite au chantier du Souss Mass à Agadir, c'est en partie parce que Jean-Baptiste Goulard souhaitait un nouveau type de bateau de pêche et à l'époque, le projet n’avait pas trouvé écho auprès des structures d’accompagnement qui auraient pu lui faire bénéficier d’un soutien financier. D’où le choix de faire construire au Maroc. « L’échange s’est fait en toute transparence avec les équipes du chantier. Nous avons réalisé un transfert de compétences avec nos partenaires français qui nous permet aujourd’hui de dire qu’avec un bon accompagnement, ce chantier est en capacité à répondre sur toutes nos besoins techniques, » affirme-t-il.

Bien que le projet ait bien démarré, la construction a été retardée, en grande partie à cause de la pandémie. « La Covid nous a fait perdre une année car le pays était fermé. Ce qui était le plus problématique, c'est qu'il était impossible pour notre personnel et nos équipes spécialisées de se déplacer et que les importations vers le Maroc étaient interrompues », a déclaré Jean-Baptiste Goulard, qui a assumé lui-même le rôle de superviseur et a passé plus de temps que prévu sur le chantier d'Agadir pendant les deux années de construction. « Le délai de construction a été allongé aussi en raison des innovations liées au système de propulsion et à toute la partie électrique qui étaient une première pour le chantier et a nécessité un processus d’apprentissage. L’accompagnement de Barillec Marine a été crucial. Sans eux, le projet n’aurait jamais vu le jour. »

Entrainement direct

Barillec Marine, spécialiste de l'ingénierie électrique, a joué un rôle central dans la conception et l'installation du système de propulsion diesel-électrique de Blue Wave et était présent dès le début du projet.

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Blue Wave est le premier chalutier français à être équipé de ce type de moteur électrique à entraînement direct. Il existe déjà des navires à propulsion électrique en service dans d'autres pays, mais en France, le seul projet comparable a été le chalutier boulonnais La Frégate III, qui a été équipé en 2013 d'une capacité pour le GNL comme carburant, et qui a expérimenté pendant deux ans une propulsion hybride diesel et GNL – électrique, mais en conservant le dispositif conventionnel du réducteur.

Blue Wave est lui, équipé d'un moteur électrique de 500 kW qui entraîne une hélice de 2380 mm de diamètre, sans nécessiter de réducteur. Barillec Marine a fourni le tableau principal qui intègre l'usine électrique, le système de gestion de la puissance des deux groupes électrogènes Scania qui peuvent être couplés pour fonctionner ensemble, l'alimentation de la propulsion électrique et la distribution 400v. L'installation du moteur synchrone à aimants permanents de Barillec comprend des systèmes de contrôle et un système de refroidissement liquide.

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« Nous avons eu un premier contact avec Jean-Baptiste en juin 2016, se souvient, Olivier Moriceau, chargé d’affaires de Barillec Marine qui a suivi le projet et le chantier depuis le départ. « Barillec a proposé un système convaincant qui lui a permis d'envisager de réaliser le navire dont il avait envie avec cette propulsion diesel-électrique, sans réducteur, explique-t-il, ajoutant qu’ils sont passés par différentes versions, jusqu'à la signature du contrat avec le chantier Souss-Shipyard en avril 2018. « Nos équipes se sont rendues au Maroc à deux reprises, pour rencontrer les intervenants sur le chantier et pour fournir au chantier, au propriétaire et à l'architecte, les informations techniques permettant une bonne intégration du système proposé. » « Barillec s'est aussi rendu à l'usine du motoriste afin d'assister et de valider les essais moteur avant la livraison du package complet fin 2019. Les techniciens ont ensuite réalisé le commissioning du système début 2021 pour valider la bonne intégration du matériel fourni. »

Les techniciens de Barillec ont travaillé sur l'ensemble du projet, depuis les études initiales et la conception, en passant par la fourniture du système complet, à installer loin de leur base à Concarneau, jusqu'aux derniers réglages effectués au chantier avant que Blue Wave ne quitte Agadir. « Bien sûr, nous continuerons à assister Jean-Baptiste pour la prise en main de Blue Wave, » rassure-t-il, en expliquant que la propulsion électrique de ce type présente de nombreux avantages. « Il est possible de réaliser des économies de carburant, car dans certaines circonstances, l'un des générateurs peut être stoppé’ équipement offre une grande flexibilité car la plage de fonctionnement d'un moteur électrique est supérieure à celle d'un moteur diesel. Les coûts d'entretien sont moins élevés qu'avec la propulsion diesel, les pièces de rechange sont souvent plus facilement disponibles, les niveaux sonores à bord sont plus faibles et une consommation de carburant réduite signifie également une réduction des émissions », ajoute-t-il.

Selon Olivier Moriceau, il y a d'autres avantages à supprimer le réducteur et à fonctionner avec l'arbre couplé directement au moteur électrique. « Tout d'abord, cela réduit les composants lourd et coûteux, tant à l'achat qu'à l'entretien », indique-t-il. Le moteur électrique produit beaucoup de couple, même à faible vitesse, ce qui est idéal pour un chalutier qui doit générer une puissance de traction à des vitesses relativement faibles. Ainsi, pour développer un couple équivalent, le moteur nécessite moins de puissance qu'un moteur diesel. Cela contribue également à réduire la consommation. Ce type de configuration, sans réducteur, n'est pas possible avec la propulsion diesel classique, » conclue-t-il.

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