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Rien ne vaut l’expérience

Interview de Patrice Pétillon, co-armateur du bolincheur l'Etoile Polaire. Par Hook and Net

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Rien ne vaut l’expérience

L'un des meilleurs pêcheurs de sardines de France, Patrice Pétillon, se prépare pour prendre sa retraite. Cela implique à la fois la modernisation d’un nouveau bolincheur et la recherche d'un successeur pour prendre la relève. Nous l'avons rencontré pour en savoir plus sur ses projets et sur la façon dont la pêche artisanale à la bolinche a évolué au fil des ans.

Il y a quelques années, il a embauché le jeune pêcheur William Chaligné comme apprenti. Alors qu’il est encore à quelques années de son trentième anniversaire, William a déjà travaillé avec Patrice pendant dix ans sur le War Raog IV et est maintenant le copropriétaire de l'Etoile Polaire. « Pour l’instant avec William nous sommes à part égales au capital », explique Patrice Pétillon, précisant qu'il prévoit de lui céder ensuite ses parts du bateau.  « C’est un bon pêcheur qui travaille dans la continuité de ce que mon père et moi avons appris et que je suis fier de lui transmettre à mon tour.» 

Dans le cadre de cette transition, l’Etoile Polaire a fait l'objet d'une refonte majeure. Le bateau de 15 mètres, avec une coque en polyester, a été construit chez CNB en 1987 et avait besoin d’être remis à niveau. L'architecte naval Coprexma s’est chargé de la conception et les travaux ont été réalisés au chantier Piriou naval services à Concarneau. Pendant les travaux de refonte, l’électricité, les équipements électroniques et apparaux hydrauliques ont tous été changés, la timonerie a été rehaussée et l’aménagement du pont modernisé pour améliorer l'ergonomie et le confort de l'équipage. Les cuves de l'Etoile Polaire ont été centrées et optimisées avec une meilleure isolation et offrent la possibilité de stocker les captures dans des conteneurs plutôt qu'en vrac. L'électronique embarquée a été améliorée et des appendices ont été installés sous la coque pour les sondes et les têtes de sonar, tandis qu'un système antiroulis a été installé pour ralentir les mouvements du navire et améliorer les performances des sonars et la détection des poissons. « Nous avons deux sonars à haute et moyenne fréquence Koden et Furuno et trois sondeurs Furuno », précise Patrice Petillon. « L'électronique a largement contribué à faire évoluer notre métier qui reste une pratique de pêche traditionnelle et responsable. La bolinche permet de capturer des poissons qui peuvent être relâchés vivants en mer s'ils ne sont pas commercialisables et cette pêche ne génère aucun rejet. »

« Rien ne vaut l'expérience. La pêche varie selon les zones et les saisons, et nous savons quand et où nous pouvons nous attendre à voir du poisson et où et quand ce n’est pas le cas. Nous pêchons de la sardine et du chinchard ainsi que des anchois et du maquereau. Pour que cela fonctionne, un mélange de tout cela est nécessaire. Les détecteurs ne servent à rien sans l'expérience du patron qui en fait bon usage et il est important d’être bien formé. William a la chance de bénéficier de 25 ans d'expérience pour l’aider dès le départ.

Tout passe sous criée

L’armateur fait remarquer que ce qui a changé notablement au cours des dernières années c’est que les sardines et les anchois sont légèrement plus petits.
« D’après les scientifiques, la biomasse serait plus importante dans le golfe de Gascogne. Ce que nous pouvons dire, c'est que par le passé nous péchions essentiellement du 10 à 20 au kilo et qu’aujourd'hui c’est entre principalement entre 20 et 30 au kilo, ce qui est bon pour le marché de la transformation qui est très demandeur. »

L’Etoile Polaire travaille depuis Concarneau et tous ses poissons sont vendus à la criée, ce que Patrice Pétillon considère comme le meilleur moyen de vendre car c’est là qu'est la vérité du prix. 
« La vente directe a tendance à fausser le marché », selon lui. Il ajoute que les débarquements de l'Etoile Polaire se répartissent à part égales entre les usines de transformation, le marché du frais et celui du congelé.

Le même filet sert à pêcher toutes les espèces. L’Etoile Polaire utilise une senne tournante de 350 mètres et d'une profondeur de 70 mètres. La profondeur maximale de travail se situe à 40 mètres et il précise que c’est la surface entre zéro et 30 mètres qui est importante. « Il faut savoir que le filet est efficace jusqu’à 30 mètres en pêche, » insiste-t-il. « Nous avons conservé la même senne. Par rapport aux filets d’il y a 30 ans il y a quelques améliorations, mais cela a peu changé en termes de longueur ou de hauteur.  
Il y a également eu de grandes améliorations dans les équipements de pont et maintenant il y a beaucoup moins d'effort physique pour l'équipage. Tout est mécanisé et c'est l'un des points clés de la modernisation de l'Etoile Polaire. » « La refonte de l’Etoile Polaire, c’est plus de confort pour les hommes, l’amélioration de la qualité du poisson et un débarquement facilité, » résume-t-il.

« La bolinche est un bon métier, d’abord parce qu’on gère la ressource de façon responsable. Sur le plan humain, c’est selon moi le plus beau métier pour un pêcheur avec la qualité du travail que nous faisons et la fierté que nous avons à faire du beau produit. »

La version anglaise sur le site Hook and Net

Voir aussi le reportage de Coprexma


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