Hervé Laurent est un marin d’expérience et un homme de cœur. Après plus de 25 ans de navigation, il a souhaité partager sa passion à ceux, qui comme lui lorsqu’il était enfant, se contentent de regarder passer les bateaux au loin sans jamais prendre la mer. Lui, a découvert sa vocation par un coup du sort. Aujourd’hui, il va forcer le destin pour rendre la voile accessible à tous les enfants mauriciens, quelles que soient leurs origines.
La voile à toute vitesse
Hervé est né à Lorient en 1957. Il a toujours vécu près de la mer sans pour autant avoir une famille tournée vers la mer. Il découvre la voile malgré lui à 12 ans, alors qu’il se croyait inscrit au judo, lors d’un stage au Foyer Laïque de Lanester : la colo s’était trompée de case et Laurent s’est retrouvé sur un bateau pour la première fois de sa vieet là, «le coup de foudre, le truc de cinglé où tu te dis c’est là que ça se passe». Finalement, il restera à la voile et est encore licencié du club aujourd’hui. C’est une véritable passion qui nait et tout s’enchaine de façon fulgurante. Moniteur de voile à 15 ans, à 16 ans, il devient président de son club et crée sa première entreprise à l’âge de 19 ans : avec son 16 mètres Wasa School Laurent faisait l’école de croisière l’été et de la course transatlantique l’hiver. Il suit une formation en génie mécanique mais plutôt que d’aller en école d’ingénieur à Rennes il préfère aller tailler des voiles à la voilerie Tonnerre pour Tabarly, Colas… et à 20 ans, le marin courre sa première route du Rhum.
La compétition
Solitaire du figaro, Transméditerranéenne, Course de l’Europe, Québec-Saint-Malo, Route du Rhum, Lorient Saint-Barth, Vendée Globe, Record de la traversée de l’Atlantique Nord à la voile…40 traversées de l’Atlantique…le skipper Hervé Laurent est probablement l’un des navigateurs les plus titrés.
« Heureusement, j’ai gagné des compétitions. Tant que tu as du résultat, tu sais que tu es sur la bonne voie. Je préfère la course en solitaire. D’une part parce qu’on trouve plus facilement des sponsors grâce à l’aspect aventure et aussi parce qu’en équipage, on doit gérer les autres, on n’est moins concentré sur la course. Mon meilleur souvenir, c’est l’AG2R parce que tout le monde se bat à armes égales. En plus je leur ai mis un wagon et ça n’a encore jamais été égalé ! Je n’ai pas fait beaucoup de records, mais je détiens toujours le ruban Rhum : la route du rhum à l’envers Guadeloupe-Saint-Malo avec un gros trimaran, en solitaire en 14 jours et 15 heures. Ma dernière course, c’était la Jacques Vabre en 2007.
J’ai toujours fait de la compétition depuis tout jeune ; Il y a un moment, si tu veux naviguer avec de la qualité, il faut faire de la compétition, sinon tu fais du charter sur des bateaux qui n’avancent pas pour le compte d’un propriétaire et ça ne m’intéressait pas du tout. Si je voulais naviguer avec de beaux bateaux et de façon intéressante, il fallait faire de la compétition: c’est utiliser du matériel de pointe et naviguer sur les bateaux les plus rapides du monde, des formules 1 des mers, avec l’esprit de compétition qui donne du sens à la navigation. J’ai eu l’avantage d’arriver aux débuts de la Course au large. C’était les premières courses transatlantiques françaises avec la route du Rhum et Lorient les Bermudes. Et ces courses je l’ai ai faites et j’ai pu suivre toutes les évolutions de la course au large. Grâce à ma formation de génie mécanique, j’ai aussi participé aux évolutions technologiques. La voile c’est un sport mécanique qui s’apparente beaucoup à la course automobile : c’est du pilotage de machines de pointe où l’on doit aller vite sans les casser. Mes connaissances m’ont permis de discuter avec des ingénieurs, avoir des idées pour faire avancer la technologie, aller plus vite que les autres. Et grâce au sponsoring, on a les moyens de recherche et de mise au point qui permettent ce haut niveau : faire de la navigation de qualité ; ce qui n’est pas possible dans la croisière. »
L’expérience
« Dans la course au large aujourd’hui, il y a peut être plus de rêveurs à cause de la forte médiatisation. La course a été banalisée et certains skippers se lancent parfois, uniquement poussés par des sponsors mais sans le sens marin qui fait toute la différence sur ces machines technologiques : avec l’ordinateur on ne sait plus vraiment lire le ciel !. Si on dépasse les limites et qu’on ne sait pas tenir sa machine, ça casse. Si tu regardes les résultats sportifs, ce ne sont que des skippers âgés et expérimentés qui gagnent. »
De l’expérience, Hervé Laurent en a aussi dans d’autres domaines. S’il n’a jamais construit de bateau pour lui-même, «le seul regret de ma carrière» dit-il, il en a construit plusieurs pour les autres et a aussi adoré travailler avec Michel Desjoyeaux sur un projet de 50 pieds monotype. Même s’il n’aime pas le mettre en avant car « c’est ingrat » dit-il, il est aussi routeur-météo. « Quand le skipper gagne, il a tous les mérites, quand il perd, c’est de la faute du routeur ». La plupart des routeurs sont des météorologues, pas des marins. Laurent est d’abord un marin. C’est pourquoi les plus grands, comme Kersauson, on fait appel à lui car il a l’expérience de la navigation et sait jouer à la fois la sécurité et la performance. D’ailleurs, il forme aussi des skippers afin de leur donner cet état d’esprit, ce sens marins et des repères indispensables sur la préparation du bateau afin d'anticiper des phénomènes et savoir faire la différence en course.
Le partage : Sailing pour tous, la navigation pour tous à Maurice
Après toutes ces années de navigation en solitaire, il y a deux ans, il prend les premières vacances de sa vie à l’Île Maurice et tombe sous le charme d’un pays en demande de partager sa passion pour la navigation: Sailing pout tous a pour but de rendre la voile accessible gratuitement à tous les enfants mauriciens, quelles que soient leurs origines.
A Maurice, Laurent est surpris de découvrir un plan d’eau magnifique, avec des facilités de navigation mais pas de bateaux. Pour les insulaires, la mer est agressive car elle est loin de tout. C’est un lieu de travail pour la pêche à la voile, mais les traditions se perdent. Cherchant à en savoir plus, il rencontre des professionnels du port et des personnes du gouvernement mauricien et décide de les aider à maintenir la tradition et apprendre aux jeunes la navigation dans un cadre scolaire. «A force de faire des tours du monde tout seul sur un bout de plastique, on n’arrive plus à partager les moments extraordinaire que l’on vit. Et là j’ai l’opportunité de transmettre ma passion à tout un pays». Avec le soutien et le concours de son épouse Sofy, elle-même marin de commerce, il a créé l’ONG Sailing pour Tous. Comme la course au large, ce projet est destiné à faire rêver : sortir les enfants de leurs quartiers et des dangers qu’ils peuvent parfois rencontrer en leur apprenant la navigation, un loisir, un sport et pour certains, un véritable métier.
Le but est de créer 7 ou 8 écoles de voiles à l’Île Maurice et d’y accueillir totalement gratuitement 200 enfants à la semaine. Chaque école aura 25 à 30 bateaux (optimistes, lasers, hobbies cat) et sera encadré par 2 moniteurs et 3 techniciens. Autour de ces écoles on pourra aussi créer des évènements, des régates et des fêtes nautiques. Les premiers moniteurs et techniciens locaux sont en cours de formation et la première école sera créée à Port Louis sur le site du Caudan où elle devrait accueillir les enfants en classe de voile dès le début 2012. Grâce à un partenaire technique et à un partenaire financier, l’ONG peut déjà fonctionner et a pu financer le transport d’un conteneur avec 30 bateaux et du matériel arrivé mi-novembre à l’ïle Maurice : c’est le fruit d’une importante collecte menée avec l’aide de la ligue de voile de Bretagne.
Laurent et Sofy se donnent 5 ans pour tout mettre en place et parvenir à faire découvrir la navigation au plus grand nombre d'enfants mauriciens.
vous pouvez les aidez aujourd’hui en apportant votre soutien à « Sailing Pour Tous ».